JEUNE AFRIQUE
Par Youssef Aït Akdim
Diplomate expérimenté, le ministre marocain délégué aux Affaires étrangères joue un rôle de premier plan dans les dossiers de l’heure, notamment la guerre au Mali.
Depuis janvier 2012, le ministre marocain délégué aux Affaires étrangères joue le rôle de vigie de la diplomatie marocaine. À 59 ans, Youssef Amranifait la paire avec l’islamiste Saadeddine El Othmani, au profil plus partisan. Né à Tanger, cet homme de dossiers a longtemps cultivé un attachement au monde hispanophone. De 1992 à 1996, il a été consul général à Barcelone, puis ambassadeur en Colombie, au Chili et au Mexique. Directeur des relations bilatérales (2003), il est promu secrétaire général du ministère (2008), puis de l’Union pour la Méditerranée (2011), de nouveau à Barcelone. Ce technocrate (encarté à l’Istiqlal) occupe donc un rôle de premier plan dans tous les dossiers de l’heure (Mali, Sahara), au moment où le royaume boucle sa deuxième année au Conseil de sécurité de l’ONU.
Jeune Afrique : Jusqu’où ira l’engagement du Maroc dans le dossier malien ?
Youssef Amrani : Le Maroc a été parmi les premiers pays à accourir au chevet du Mali. Nous n’avons pas de frontière commune. Ça tombe bien, la solidarité, non plus, n’a pas de frontières ! Nous nous sentons profondément solidaires de ce pays frère et de son peuple. Nous agissons en conséquence. Dès le début, nous nous sommes préoccupés de la dimension humaine et humanitaire du conflit. Nous restons très attentifs à cela, et nous savons que beaucoup reste à faire pour un retour à la paix et à la stabilité. Du reste, ce sont les autorités de transition, la Commission nationale de dialogue et de réconciliation et – une fois l’ordre constitutionnel rétabli – le gouvernement du Mali qui devront mener à bon port la barque de la normalisation démocratique et de la restauration de l’effectivité de l’État. Sur le plan diplomatique, le Maroc continuera de placer la situation au Mali parmi ses priorités : il appuiera la voix du Mali au Conseil de sécurité et partout ailleurs, notamment pour défendre sa souveraineté et son intégrité territoriale.
Peut-il y avoir, sur ce dossier, une coordination avec l’Algérie, en dépit des divergences d’approche ?
Les divergences d’approche ne sont pas une fatalité. Les approches sont faites pour évoluer. Ce qui est une fatalité, en revanche, c’est que la somme des actions unilatérales de deux pays sera toujours inférieure à l’efficacité de leur action concertée. Appliqué à la situation sécuritaire dans notre région, ce constat donne la mesure du risque que l’exclusivisme fait courir à la région. Le moins que l’on puisse dire, c’est que nous pouvons faire mieux. Nous en avons les moyens et la capacité. La coopération entre le Maroc et l’Algérie ne doit plus rester le talon d’Achille de la sécurité régionale. Il nous appartient donc de travailler pour plus de coopération et de coordination, dans un esprit de confiance mutuelle.
Pendant que l’Union du Maghreb arabe (UMA) est inexistante, le Maroc multiplie les contacts avec d’autres organisations régionales…
Le discours adressé par Sa Majesté le roi Mohammed VI aux chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest [Cedeao] a rappelé l’importance stratégique que le royaume accorde à ses relations avec l’Afrique de l’Ouest, sa solidarité agissante et sa volonté d’oeuvrer pour la paix et la stabilité dans cette région. Aujourd’hui, le royaume estime que seule une véritable coopération régionale permettra de répondre aux défis interconnectés dans la région. Le Maroc soutient l’action courageuse déployée par la Cedeao dans la gestion de la crise malienne. Simultanément, le Maroc a assumé pleinement ses responsabilités en refondant, avec ses pairs, la Communauté des États sahélo-sahariens [Cen-Sad] lors d’une réunion extraordinaire à Rabat, en juin 2012. Un dernier mot : le prochain sommet de la Cen-Sad aura lieu chez nous.
Quels sont les effets de l’actualité au Sahel sur le dossier du Sahara occidental ?
Le Maroc s’efforce depuis des années de mettre en garde la communauté internationale contre les risques pesant sur la stabilité et la sécurité de la région du Sahel et du Sahara. Le Mali vient d’en connaître les manifestations les plus brutales. Cette crise douloureuse a également mis en évidence la collusion manifeste entre des groupes aux visées terroristes et séparatistes. Ne nous trompons pas, l’objectif premier de ces groupes était et demeure le démembrement d’un État africain, pour, in fine, déstabiliser l’ensemble de la région. Ils ont tenté de tirer profit de la faiblesse de la coopération régionale. Aujourd’hui, un consensus émerge au niveau international sur la nécessité de favoriser toutes les initiatives politiques d’intégration, afin d’assurer l’homogénéité et les complémentarités évidentes de ces régions. C’est dans cet esprit que s’inscrit l’initiative marocaine d’autonomie.
Comment abordez-vous la reconduction, attendue en avril, du mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) ?
Avec sérénité, bien sûr, d’autant que l’échéance d’avril 2013 intervient à un moment où le Maroc continue à honorer ses engagements pour parvenir à une solution politique réaliste et définitive. Ce différend régional n’a que trop duré. Dans tous les cas, le Maroc réitère son engagement et sa détermination à oeuvrer, de bonne foi, pour atteindre cet objectif. De même et à la lumière des derniers développements dans la région, notamment sur le plan sécuritaire, le Maroc demeure convaincu de l’urgence d’avancer vers une solution de compromis. Enfin, nous demandons la mise en oeuvre des dispositions des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, y compris celles relatives au recensement des populations des camps de Tindouf dans la mesure où cette opération, une fois réalisée, permettra de répondre au double besoin de protection et de sécurité de ces populations.
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Propos recueillis par Youssef Aït Akdim