Stratégie OCP: Pourquoi le groupe monte sur la chaîne de valeur
L’offre mondiale des fertilisants restera déficitaire
Enjeu, augmenter la valeur ajoutée et les marges
Mais la volatilité des prix reste la principale dominante
L’énorme plan d’investissement que vient d’annoncer le groupe OCP, 25 milliards de dirhams d’ici 2020 (voir notre édition du 22 mars 2012), vise à monter sur la chaîne de valeur de l’industrie des phosphates et dérivés et, par conséquent, d’étendre l’avantage concurrentiel du groupe. Car la fenêtre d’opportunité est bien réelle: selon les prévisions, l’offre des fertilisants sur le marché international va se contracter encore plus dans les prochaines années. Et ce déficit va s’accentuer à long terme, ouvrant la possibilité aux industriels de conforter leurs marges. En décidant d’investir dans les capacités supplémentaires de valorisation, la manœuvre stratégique de l’OCP tombe donc à pic.
Au récent forum mondial dédié aux phosphates et dérivés, qui a clôturé ses travaux mercredi 21 mars à El Jadida, Benabdeljalil, vice-président chargé des ventes et des passations de marchés des matières premières du groupe, résumait à sa façon les enjeux derrière cette orientation devant les 350 participants venus d’une quarantaine de pays: «La transformation de la roche en produits alimentaires». Emboîtant le pas au vice-président de l’OCP, Luc Maene, président de l’Association internationale de l’industrie des fertilisants, renchérit: «Les besoins du monde en engrais ne feront qu’augmenter». Or, rien que pour les DAP (DI-Ammonium Phosphate), la consommation actuelle porte sur 2 millions de tonnes par an. «C’est énorme», s’exclame Maene. Mais la croissance de cette demande devrait baisser de rythme en 2012.
Selon le chef de file des producteurs de fertilisants, la consommation des engrais devrait croître cette année de 1,5% au lieu de 3% en 2011. Du coup, l’offre sera diminuée d’environ 400.000 tonnes. En revanche, on s’attend à une stabilisation, voire une croissance de l’approvisionnement du marché mondial en 2013. L’excédent proviendrait des nouveaux projets développés notamment par le Pérou et l’Australie. Ces deux origines pourraient assurer quelque 200.000 tonnes.
Néanmoins, le marché des fertilisants restera dominé par la volatilité des prix. Au demeurant, c’est le facteur principal qui a encouragé plusieurs investisseurs à intégrer l’industrie des engrais. Par contre, mis à part le Maroc et l’Australie, peu d’investissements ont été réalisés dans le domaine d’exploration minière.
Pour le moment, 12 pays assurent 95% de la production mondiale dont 4 en fournissent 75%.
La consommation mondiale des phosphates s’élève actuellement à 185 millions de tonnes. Sur la dernière décennie, elle a augmenté de 2,6%/an. L’essentiel provient de la Chine qui, sur les dix dernières années, a amélioré sa production de 46 millions de tonnes. Mais d’autres pays se sont aussi positionnés sur le marché mondial de la roche. C’est le cas notamment du Brésil, du Vietnam, du Pérou et d’Arabie saoudite qui détiennent 16% du marché. Le Maroc en représente 14%. Alors que la Chine départage les deux tiers, à parité égale, avec le reste du monde. Mais la Chine comme l’Inde réservent une part importante de leur production à l’autoconsommation, notamment sous forme de fertilisants. Ce qui fait dire aux analystes que toute évolution des prix de la roche dépendrait de ces deux derniers pays ainsi que de l’Arabie saoudite. Dans le cas où leur consommation interne connaîtrait des fluctuations notables. Mais dans tous les cas de figure, les cours des phosphates devraient être tirés par ceux des DAP. Actuellement, ils se situent aux alentours de 15% par rapport aux cours des engrais.
Pour le Maroc, on assure que la stratégie adoptée permet toute la flexibilité nécessaire. D’autant plus que le groupe OCP tient le rôle de leader en tant que premier exportateur mondial des phosphates. De ce fait, il peut doser ses expéditions en fonction de l’évolution du marché. Sans oublier que l’essentiel des livraisons à l’international se fait dans le cadre de contrats à plus ou moins longue échéance. En effet, l’OCP a signé de nombreux accords commerciaux et industriels avec des partenaires tels l’Inde, le Pakistan, le Brésil, la Belgique, l’Allemagne, la Turquie, la Norvège et les Etats-Unis. Ces accords portent sur la production, la commercialisation et l’ingénierie. De plus, le groupe a développé une politique de commercialisation de proximité. Pas moins de 150 clients sont approchés dans 60 pays à travers ses succursales et bureaux. Sa présence dans les pays où la consommation d’engrais est en forte croissance s’est aussi élargie et diversifiée. C’est le cas de l’Afrique où il joue le rôle de pionnier dans «la révolution verte» du continent. Ceci, à travers une gamme d’engrais phosphatés et chimiques adaptés aux besoins de la terre africaine. Au Maroc, le groupe assure un soutien à la stratégie agricole via son fonds de développement,mais aussi à travers son implication avec la recherche agronomique dans l’élaboration des cartes de fertilité des sols.
10 millions de tonnes d’engrais en 2020
A son terme, le programme d’investissement de l’OCP portera la production minière à 55 millions de tonnes contre 28 millions actuellement. La production des engrais chimiques et phosphatés atteindrait 10 millions de tonnes par an en 2020, alors qu’elle s’établit actuellement à 3,6 millions de tonnes. Le groupe table aussi sur une réduction des coûts à raison de 30 à 40% d’ici la réalisation de son programme. Au demeurant, l’essence de la stratégie cible la maîtrise des coûts et l’amélioration de la productivité.
A. G.
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