Le Matin.ma
Il y a 708 ans, le plus grand explorateur marocain naissait à Tanger. Ses voyages l’ont conduit jusqu’en Chine
● Le 24 février, si le monde célébrait l’anniversaire d’un grand homme, le Maroc, dont il est pourtant natif, a totalement passé sous silence cet anniversaire. Pourtant, Ibn Battouta est l’un des plus grands explorateurs de tous les temps.
● Il est allé en Syrie, en Perse, en Asie Mineure et jusque dans la Russie méridionale et en Chine. Il fascine encore aujourd’hui par l’exception de son exploit et l’ampleur de son œuvre.
Le Prince des voyageurs a parcouru le Nord de l’Afrique et une partie de l’Arabie. Il se rend en Syrie, en Perse et jusque dans la Russie méridionale. Plus tard, il traverse la grande Boukharie, l’Afghanistan, les Indes pour enfin arriver en Chine.
Le 24 février 1304 à Tanger, Ibn Battouta est né, l’un des plus grands explorateurs de l’histoire de l’humanité. Une date qui aurait probablement été placée sous le signe de l’oubli si le logo classique de Google n’avait été remplacé par un tout nouveau Doodle animé. Merci Google. Et pourtant, le personnage a une histoire fabuleuse.
Pour ceux qui ne le savent pas, le Marco Polo des Arabes a parcouru pas moins de 120 000 km en 28 ans de voyages. Un long circuit qui l’a mené de Tombouctou à Bulghar (dans l’actuelle Russie, sur la Volga) et de Tanger à Pékin, voyage effectué, faut-il le rappeler, à une époque où les moyens de transport se limitaient aux seules bêtes. Ce qui lui confère justement les dimensions d’une véritable prouesse.
Au grand dam des historiens et autres amateurs de ce personnage, emblématique de la quête du savoir et de la soif d’apprendre, l’anniversaire de cet homme d’exception n’a pas été fêté comme il se doit, dans son propre pays. Il est passé presque inaperçu, alors que la stature de cette icône impose plus d’égards et partant une célébration digne de lui. «Non, nous n’avons rien prévu pour rendre hommage à cet homme. Nous ne sommes même pas au courant que le monde fête son anniversaire à cette date», répond, avec détachement, un employé de l’Office du tourisme de Tanger. Pour le reste des institutions culturelles, le 24 février a été un jour comme les autres !
Au commencement était le pèlerinage
Curieux, fin observateur et grand voyageur, Ibn Battouta, de son vrai nom Abou Abdallah Mohammed ibn Abdallah al-Rawati Al-Tanji, était le témoin privilégié de son époque. Il consignait les péripéties de ses multiples périples et prenait des notes à propos de tout ce qu’il voyait. Rien ne lui échappait ; les mœurs des diverses populations qu’il découvrait, leurs us et coutumes, leurs manières de s’habiller et de se comporter… Ses écrits étaient également riches en descriptions des lieux par lesquels il passait. Tous ces détails, ô combien précieux, alimentaient ses multiples récits. Sa soif d’apprendre le poussait toujours plus loin. Un jour il écrit : «J’avais entendu parler de la ville de Bolghar. Je voulus m’y rendre, afin de vérifier par mes yeux ce qu’on en racontait, savoir l’extrême brièveté de la nuit dans cette ville, et la brièveté du jour dans la saison opposée». Le moyen le plus sûr pour s’en rendre compte étant d’être sur place, l’homme décide de prendre la route pour s’y rendre.
Tout commence quand il a 20 ans et qu’il décide d’accomplir le rite du pèlerinage à La Mecque. Cet événement, à priori banal et habituel, se transforme en véritable aventure remarquable et impressionnante. Après le «Hajj», Ibn Battouta ne rentre pas chez lui, enfin pas tout de suite, mais vingt-huit ans après, c’est-à-dire en 1353, après avoir sillonné le Moyen-Orient arabe, turc et iranien, après avoir brièvement visité la «corne de l’Afrique» orientale et séjourné en Inde et en Chine. Ayant apparemment pris goût au déplacement, il effectue une escale au Maroc avant d’entreprendre un nouveau périple en Afrique noire, vers le fleuve Niger.
Un témoin de son temps
Durant ses divers voyages, Ibn Battouta ne se comporte pas en simple touriste, mais en explorateur animé par une volonté inébranlable de tout connaître à propos des endroits qu’il visite.
Il cherche aussi à rencontrer les personnalités marquantes, les hommes politiques, les juristes, les religieux. Il note tout. Une fois rentré, de manière définitive au Maroc, il conte ses voyages au scribe Mohammed al-Kelbi. Ses récits sont ensuite compilés par Ibn Juzayy en un livre appelé «Tuhfat al-nuddar fil ajaib l-amsar wa-garaib l-asfar».
Son personnage et ses voyages ont inspiré plusieurs écrivains et chercheurs. Les livres qui lui ont été consacrés ont été traduits dans plusieurs langues. Ibn Battûta est également un nom qui vend.
La ville de Dubaï lui a, en effet, consacré un centre commercial thématique «l’Ibn Battouta Mall», un des plus grands du Moyen-Orient. L’aéroport de Tanger porte son nom. Sidérant, un cratère lui est dédié sur la Lune dans «La mer de la fécondité», une tétralogie romanesque de l’écrivain japonais Yukio Mishima. En 2011, le magazine Time a consacré son double numéro (1er-8 août) à Ibn Battouta. Avec tout cela, on ne peut qu’être navré de constater que cette personnalité n’ait pas les honneurs qui lui reviennent. «Nul n’est prophète en son pays». C’est le cas de le dire !