Ex-prisonniers du Polisario
Le campement de la honte
Les bivouacs installés sous les arcades du Parlement
Ils réclament des indemnités, la promotion dans les grades…
Ils sont soutenus par les parlementaires
LES anciens prisonniers de guerre, qui campent à côté du Parlement depuis 82 jours, attendent «une rencontre imminente avec le ministre en charge de l’Administration de la défense». On leur a demandé de constituer une commission de 4 personnes. C’est chose faite. Il semble qu’un groupe de députés, menés par Réda Benkhaldoun, participerait à cette réunion en tant qu’observateurs. Est-ce que c’est le rendez-vous de la délivrance? Les anciens prisonniers, défenseurs de l’intégrité territoriale, espèrent que cette fois-ci, c’est la bonne. Mais ils restent prudents au cas où on chercherait à «gagner du temps». «Nous avons passé plus d’un quart de siècle dans les prisons du Polisario. Nous pouvons continuer à dormir sur des cartons. D’ailleurs, certains d’entre nous veulent venir avec femmes et enfants», rappelle Abdallah Sammer, chef coordinateur de la Commission des ex-prisonniers de guerre. En effet, depuis près de trois mois, ils dorment sur des cartons, à côté de la gare de Rabat-ville.Les anciens prisonniers de guerre du Polisario organisent un sit-in continu, d’un nouveau genre. Ils campent sous les arcades extérieures de la Chambre des conseillers. Ils ont installé leurs bivouacs et dorment sur place. Une organisation impeccable. Les uns vont devant le Parlement, d’autres restent sur place pour préparer, par petits groupes, leurs tagines. Après chaque repas, ils nettoient tout. Pour les toilettes, ils utilisent celles de la gare et des cafés avoisinants. Ces anciens militaires ne scandent ni slogans, n’entreprennent pas de marches. Ils n’interpellent pas non plus les passants pour les sensibiliser à la justesse de leur cause. Ils restent dignes. Dans leur protestation, ils ne cherchent pas d’affrontement avec les forces de sécurité.En face de l’entrée principale du Parlement, ils ont accroché des banderoles qui rappellent leurs calvaires dans les geôles du Polisario, à Tindouf. La plupart y ont passé les meilleures années de leurs vies: un quart de siècle d’emprisonnement dans les pires conditions. D’autres, plus…, jusqu’à 28 ans.Il faut reconnaître qu’ils attirent la sympathie des passants, particulièrement les députés qui ont multiplié les interventions auprès du ministre délégué Abdelettif Loudyi pour leur trouver une solution. Même le ministre de la Communication Mustapha Khalfi les a rassurés: «le dossier est entre les mains du gouvernement». Depuis, rien n’est venu conforter cette déclaration d’intention.Ce n’est pas la première fois que ces anciens militaires montent à Rabat pour faire connaître leurs revendications. La première fois, leur sit-in monté sur la pelouse, à côté de l’église, avait dépassé 70 jours. Mais après des promesses du ministère de l’Intérieur et de la Fondation Hassan II pour les œuvres militaires, ils avaient mis fin leurs bivouacs. Entre-temps, ils n’ont rien obtenu. Ils ont donc décidé de rempiler pour faire entendre leurs voix une fois pour toutes. Aujourd’hui, ils réclament l’égalité de traitement concernant les agréments et le logement. Pour eux, certains bénéficient de trois agréments. Ils veulent également jouir du système de promotion, gelé durant leur incarcération dans les prisons du Polisario. «Nous sommes partis à la retraite avec les mêmes grades que lorsqu’on a été fait prisonniers. Pourtant, la loi militaire prévoit de prendre en compte la période d’emprisonnement dans le calcul de la promotion et de la retraite», rappelle Abdallah Sammer. Selon lui, il faudra reprendre les dossiers de ceux qui avaient atteint l’âge de la retraite pendant leur incarcération.Autre revendication de taille: des indemnisations pour la période passée dans les geôles du Polisario. «Nous avons souffert des tortures et nous continuons à vivre dans la marginalisation, sachant que nous avons passé 14 ans supplémentaires en prison après le cessez-le-feu de 1991? Ce qui est considéré comme une première dans l’histoire des guerres de par le monde», souligne Fanid Aomar, 24 ans et 20 jours de prison.
Ils sont près de 2.400 prisonniers de la guerre du Sahara, des militaires mais aussi des forces auxiliaires. Curieusement, le Maroc ne les a jamais réclamés de manière officielle. Ils viennent surtout des régions de Taza, Khémisset et Beni Mellal. Près de 700 d’entre eux ont des maladies chroniques et ne peuvent se déplacer jusqu’à Rabat. «D’autres sont mutilés, certains sont devenus fous», affirme l’un d’entre eux. Seuls 1.200 peuvent bouger. Le tiers fait le sit-in, les autres rentrent à la maison. C’est la tournante réglée, selon l’organisation militaire.
Mohamed CHAOUI
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