Tuesday, December 24

Algérie : quand la télévision publique fait sa (mini)révolution

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Jeune Afrique

ALGÉRIE

Par Said Aït-Hatrit

Capture d'écran de l'émission 'Question d'Actu' sur Canal Algérie, le 4 mars.

Capture d’écran de l’émission “Question d’Actu” sur Canal Algérie, le 4 mars. © YouTube

Une émission de Canal Algérie dans laquelle un jeune homme appelle les hommes politiques au pouvoir à “quitter leurs sièges” et à laisser les citoyens “en paix” fait le buzz sur le web depuis lundi soir. Dérapage contrôlé de la télévision publique, alors que l’ouverture de l’audiovisuel au privé, promise par Bouteflika, tarde à se concrétiser ?

Les téléspectateurs qui étaient devant Canal Algérie lundi dernier, à 21 heures, n’en ont pas cru leurs oreilles. À deux mois des élections législatives, l’émission « Questions d’Actu » voulait donner la parole aux jeunes. Après que l’un des quinze invités a expliqué, en direct, pourquoi il ira voter, un autre, originaire du quartier populaire de Bab el Oued, accent algérois à couper au couteau, prend la parole : « Nous n’allons pas voter, dit-il en arabe algérien. Je m’adresse aux autorités : le peuple est accablé, alors si vous avez une conscience, si vous voulez lui rendre service, prenez votre siège et fichez-nous la paix. Prenez ce dont vous avez besoin et partez (…) Nous voulons un nouveau souffle (…) Le siège lui-même veut se sauver mais vous vous collez à lui. Lâchez prise ! Y’en a marre de vous (…) Vous avez tout pris : l’un a le bâtiment, l’autre le foncier, un autre le pétrole, un autre encore les pipelines… Ensuite on accuse Khalifa, on parle de détournements, on nous dit que les coupables ont été pris mais on ne voit jamais personne ! »

Extrait de l’émission “Questions d’Actu” du 4 mars 2012.

Le soir même, des dizaines de téléspectateurs s’emparent du passage et l’éditent sur YouTube : « L’ENTV regretta longtemps d’avoir fait une émission politique en direct ! », titre DzWikileaks en publiant sa vidéo, ignorant sans doute que c’est le principe de ce programme diffusé depuis plus d’un an. « Dimoqratiya ;-) c’est la révolution sur Canal-Algérie !!! », s’amuse aitelhoussindelmooth. « Enfin un homme ! Je n’arrive pas à en croire mes yeux, mes oreilles…», commente kader3316.

Fierté et étonnement

Canal Algérie, longtemps visible uniquement via satellite, a beau ne pas être la principale chaîne de la télévision publique, la réaction des réseaux sociaux illustre la fierté et l’étonnement général de nombreux jeunes algériens. « L’émission de ce soir me rappelle l’ouverture après les événements du 5 octobre 1988 », ajoute aitelhoussindelmooth. Mais la méfiance n’est jamais loin : « C’est de la manipulation, ce n’est pas normal », assure Ninos4041, habitué comme tant d’Algériens aux lendemains qui déchantent.

Au moins deux des invités étaient déjà apparus dans cette même émission après les émeutes de janvier 2011. C’est le cas du principal d’entre eux, alors presque aussi virulent (voir ci-dessous). Cela donne à penser que Canal Algérie savait ce qu’elle faisait en réunissant un tel plateau. « On m’avait invité en me précisant que je pourrais dire tout ce que je voulais, indique un internaute bien connu pour être un ardent critique du régime, mais je n’y suis pas allé ».

L’ENTV a peut-être voulu donner des gages de sa volonté d’ouverture… en attendant celle de l’audiovisuel au privé. Car la loi allant en ce sens, annoncée en 2011 par le président Bouteflika, se fait attendre. La semaine dernière, le ministre de la Communication, Nacer Mehal, a même laissé entendre dans une interview à TSA.com que l’ouverture pourrait se limiter à des « chaînes thématiques ». La démarche est plus avancée à la radio, avec une plus grande liberté de ton et l’arrivée en janvier de Jil (génération) FM, destinée aux jeunes.


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