Maghreb Emergent
Hafidh Abdelsalam
Abdelilah Oudadas, consul du Maroc à Oran
Après un passage à vide en 2011, année chaude du printemps arabe, le tourisme a retrouvé son rythme de croisière au Maroc grâce à l’exploitation de nouveaux marchés. Le consul général du Maroc à Oran, M.Abdelilah Oudadas, rencontré en margé Salon du tourisme Siaha 2013 explique cette nouvelle stratégie touristique orientée vers les pays arabes. Et où le « fort potentiel algérien » est pris en compte.
L’Afrique du nord a connu un recul en matière touristique après le printemps arabe. Qu’en est-il du Maroc ?
Le printemps arabe a été différent d’un pays à un autre. Le printemps arabe en Algérie et au Maroc a été plus civilisé. Ce n’est pas le cas en Egypte et en Tunisie. J’ai été consul dans ces deux pays et je connais la situation. L’Egypte a été détruite et en Tunisie, nous espérons que la situation ne sera pas la même car c’est un pays touristique par excellence, dans ces services, dans son hospitalité et dans son traitement avec les touristes. Ils sont arrivés à accueillir un nombre impressionnant de touristes. En Algérie et au Maroc, il y a eu un mouvement politique, certes, mais pacifique. L’Algérie a vécu une tragédie qu’aucun pays arabe n’a vécue. 12 ans ou 14 ans d’années noires. Une épreuve qui a donné un peuple conscient de tous les risques. Le printemps est devenu un hiver arabe en voyant ce qui se passe en Syrie et en Egypte. Contrairement à la Tunisie qui a été très affectée dans le tourisme suite au printemps arabe, le Maroc a mieux vécu cette crise en 2011, une année chaude marquée par le flou dans les évènements qui se sont produits. Le printemps arabe et la crise en Espagne, l’Italie et la France, des marchés potentiels sont les deux raisons de cette régression du nombre de touristes.
Le Maroc a revu sa stratégie touristique ?
En 2012, notre souci majeur des pays à vocation touristique a été de limiter les dégâts. En Egypte, les pertes ont doublé. En Tunisie plus ou moins, car il y a un facteur fort, c’est le facteur algérien. J’ai lu dans la presse que 2 millions d’algériens sont partis en Tunisie dans une période de moins d’un mois. Cela a été bénéfique pour ce pays. En 2012, nous avons voulu préserver le même nombre de touristes comme en 2009 et 2010. Le pays a mis en place un plan pour atteindre 10 millions de touristes. Cela n’a pas été atteint, on est arrivé à 8 millions seulement. Peut-être qu’en 2013 et 2014, on arrivera à faire mieux. Notre stratégie touristique a été la promotion. Il faut bien promouvoir et bien savoir vendre ses produits touristiques et chercher de nouvelles destinations. Les nouveaux marchés sont ceux de l’Europe de l’est, telles que la Pologne et la Tchécoslovaquie. C’est la nouvelle tendance qui rapporte et qui est pour le moment rentable. Le marché est encore fermé mais il commence à s’ouvrir petit à petit. Le régime communiste était constitué d’une seule classe mais maintenant avec le capitalisme, une nouvelle classe commence à voir le jour. Il y a eu des vols directs entre la Slovaquie et Agadir entre Moscou et Marrakech. Ce n’est qu’une première étape.
Que représente le marché algérien pour le Maroc ?
Nous avons une seule agence qui travaille avec l’Algérie. Elle réalise des résultats en continuelle progression année après année. Cette agence a enregistré, l’an dernier 15 voyages entre les différentes villes du Maroc et de l’Algérie. Le ministre des affaires étrangères marocain a donné dernièrement un chiffre important. Malgré la fermeture des frontières, 700.000 touristes algériens ont fait le voyage au Maroc par avion. Il s’agit de vols charter sans compter les vols réguliers. Nous avons 14 vols par semaine. Les touristes algériens ne se sont pas dépaysés car il y a les liens de sang. Les liens familiaux sont importants entre le Maroc et l’Algérie, spécialement dans la région de l’ouest. 80 marocains vivent en Algérie, ils y sont nés en Algérie et leurs parents ont grandi dans ce pays. Leur vie reste liée à ce pays. Les membres de la communauté algérienne au Maroc se situent autour de 30.000,. La plus part ont grandi là-bas et y vivent au Maroc. Autant de facteur qui font que le marché algérien est prometteur. Ces années, le nombre des touristes est passé de 100.000 à 700.000. Cela prouve que le touriste algérien trouve son confort au Maroc. D’ailleurs, pour l’année 2011 nous n’avons pas ressenti une perturbation du côté des touristes algériens.
Le choix du Maroc est orienté, actuellement, plus vers les pays arabes qu’européens. Pourquoi ?
J’ai passé huit ans en Tunisie et je connais très bien la région. Les professionnels tunisiens nous disaient, nous préférons le touriste libyen, algérien ou marocain mais pas le touriste européen. L’européen n’achète même pas une bouteille d’eau. Il vient et il n’achète rien. Alors que le touriste arabe dépense au cours de son voyage. Au final, le touriste algérien est plus rentable que l’européen. Il fait son voyage sans passer par les agences. Il loue la voiture, il ramène des souvenirs artisanaux. Malheureusement, l’organisation arabe du tourisme a négligé ce volet. Le touriste arabe est très rentable, en plus il ne pollue pas.
Des touristes algériens au Maroc, il y en a, mais des touristes marocains en Algérie, on n’en voit pas beaucoup.
Je pense que c’est parce qu’il n’y a pas encore suffisamment de promotion et de marketing du côté algérien. Les agences de voyage algériennes ne font pas la promotion au Maroc. De plus l’infrastructure touristique en Algérie commence à se développer. Des choses se font et il y a plus d’hôtels. Il y a quelques années, je suis venu à Annaba, et je n’ai pas trouvé où passer la nuit. J’ai été étonné de voir la ville fermée à 17h… J’ai visité Oran et en toute franchise j’ai été émerveillé par les richesses naturelles extraordinaires de la région. Il y a la mer, la montagne et la forêt. Tout ce qu’il faut pour une vie paisible. Il manque juste l’infrastructure touristique. Il faut l’investissement de la part des opérateurs économiques algériens. La plage de « Madere », la région de Canastel, m’ont vraiment impressionné.