INSTITUT THOMAS MORE
Par Antonin TISSERON, Chercheur associé à l’Institut Thomas More
Jeudi 13 septembre, la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton et son homologue marocain ont lancé la première session du dialogue stratégique entre les États-Unis et le Maroc. Cette réunion s’inscrit dans la continuité des efforts menés par le Maroc pour renforcer les liens entre les deux pays depuis maintenant plusieurs années. Ainsi, en juillet 2004, le Maroc recevait le statut d’allié majeur non-Otan permettant notamment la levée de restrictions sur certaines ventes d’armements et, la même année, un accord de libre-échange, entré en vigueur au 1er janvier 2006, était également signé.
La lutte contre le terrorisme et l’intégrisme occupe bien entendu une place centrale dans les relations entre les États-Unis et le Maroc. Dans le contexte de l’assassinat de l’ambassadeur américain en Libye, des incertitudes sur l’avenir de la Tunisie et de l’Égypte, du spectre de « l’afghanisation » du Nord-Mali, le royaume apparaît en effet comme un partenaire important, si ce n’est essentiel, pour des États-Unis qui ont fait le choix de s’engager en Afrique du Nord et au Sahel. D’ailleurs, la base de Guelmim, dans le sud marocain, accueillerait depuis 2011 des drones américains. Si les aspects sécuritaires sont centraux, ils ne sont cependant qu’une dimension des relations et intérêts réciproques entre les deux pays. Selon un classement établi par la Chambre arabo-américaine du commerce, sur la base de statistiques officielles du gouvernement américain, le Maroc se plaçait en 2011 en quatrième position dans le monde arabe en tant que marché de destination pour les exportations américaines, derrière les Émirats Arabes Unis, l’Arabie Saoudite et l’Égypte. Plus important, pour plusieurs observateurs américains, de par sa position géographique, le royaume constitue une passerelle vers le Moyen Orient, l’Afrique du Nord et l’Europe, tout en disposant de fortes potentialités dans le secteur des énergies renouvelables. Quant au Maroc, ses exportations vers les États-Unis ont augmenté de 56 % entre 2009 et 2010. Or alors que près de 30 % des jeunes de 15 à 29 ans sont sans emploi, le développement économique et humain est une des priorités du gouvernement et du roi cinq mois après le lancement officiel de la généralisation du Régime d’Assurance Maladie aux Economiquement Démunis (Ramed), programme devant permettre une extension de la couverture médicale de base et l’amélioration de l’accès aux services de bases à près de 8,5 millions de citoyens parmi les plus défavorisés.
La tenue de la première session du dialogue stratégique entre les États-Unis et le Maroc constitue en tout cas un signal politique fort. Pour l’Algérie, ce rapprochement sonne comme une nouvelle preuve d’appui de la diplomatie américaine à l’égard de la solution d’autonomie dans un cadre régional prônée par le Maroc sur le dossier du Sahara occidental, mais aussi comme une réaffirmation de l’existence d’autres alliés au Maghreb sur lesquels Washington peut s’appuyer. Pour les Européens, le message est là aussi à ne pas négliger. Alors que les relations entre les deux rives de la Méditerranée sont denses, le sentiment demeure sur la rive sud que trop peu est fait, avec un décalage entre les attentes, les discours sur le développement mutuel, et les réalisations. Le 17 février 2011 par exemple, Catherine Ashton annonçait 17 millions d’euros d’aide immédiate à la Tunisie, amenant le ministre de l’industrie tunisien à demander s’il avait bien entendu et s’il ne s’agissait pas de milliards… Mais les sujets de crispations dépassent les institutions communautaires. Il y a un an, en septembre 2011, la publication en France de plusieurs textes avait empêché des diplômés étrangers ayant déjà une promesse d’embauche – particulièrement Marocains, nombreux à étudier en France – de signer leur contrat de travail.
Pour l’instant, le renforcement des relations entre le Maroc et les États-Unis apparaît tributaire du résultat des élections américaines. Cependant, même dans l’hypothèse d’une victoire des Républicains, les relations entre le Maroc et les États-Unis ne devraient pas être grandement affectées. D’ailleurs, le traité de libre-échange et le statut d’allié majeur non-Otan avaient été signés sous la présidence de George W. Bush.
.